Entreprise et enseignement s'unissent pour les murs végétaux

David Jousselin, responsable de l'exploitation de production du site Pier Giorgio Frassati, antenne du groupe d'enseignement horticole et de paysage Antoine-de-Saint-Exupéry, en périphérie de Rennes, présente ainsi l'initiative : « Nous avons mis au point un protocole permettant d'utiliser une technologie Dosatron pour la fertilisation des murs végétalisés et nous avons effectué des recherches pour trouver des systèmes d'éclairage à la fois performants sur les plans horticole et esthétique. Nous avons aussi étudié des solutions de biocontrôle. Pour nos élèves, la présence des murs en culture dans les serres a permis de les familiariser avec un domaine spécifique en plein développement. » « Dès les premiers échanges, nous avons perçu ce que nous pouvions nous apporter réciproquement, confirme Yannick Sauvée, créateur de l'entreprise Jardin Unique. Je me rendais compte qu'il fallait améliorer certains aspects techniques de nos murs végétalisés, notamment sur le plan de la ferti-irrigation, de l'éclairage et de la gestion phytosanitaire. » Mais il ne disposait pas de savoir-faire assez pointu. « Grâce à notre expérience dans le domaine de la production, nous avons pu proposer de mettre en place des essais dans nos serres pour améliorer ces points », complète David Jousselin.

La rencontre est née à l'initiative d'enseignants en paysage qui avaient eu l'occasion de voir un chantier réalisé par Jardin Unique dans le centre commercial Saint-Grégoire de l'agglomération rennaise. Ainsi est né le partenariat, depuis 2012, entre l'école et la petite entreprise paysagiste basée à Saint-Grégoire, spécialisée dans la réalisation de murs végétaux. Il s'est vite fondé et concrétisé sur un principe d'échanges de services, sans contreparties financières. Jardin Unique utilise les serres pour la production de ses murs végétalisés, en adaptant sa production en fonction des contraintes de l'exploitation du lycée. Il s'agit d'un appui pour améliorer les itinéraires techniques et de bénéficier de l'aide des apprenants dans le cadre de travaux pratiques ou de chantiers écoles. En échange, l'entreprise accueille régulièrement les élèves des formations paysage ou horticulture pour présenter la technique des murs végétalisés ou visiter des chantiers sur le bassin rennais. Par ailleurs, au sein du BTS « aménagements paysagers », Yannick Sauvée intervient avec 70 heures de cours sur les murs végétaux, dans le cadre d'un module d'initiative locale (MIL).

La rencontre entre la production et le paysage

« Cette expérience constitue surtout un support pédagogique concret et fait le lien entre la production et le paysage, ce qui n'est pas toujours facile dans nos établissements, même si les deux domaines se côtoient », se félicite David Jousselin. « Selon les cursus et les périodes de l'année, les élèves peuvent participer à l'élaboration des modules grillagés, au remplissage avec le substrat à base de sphaigne, à la conception des plants et à la plantation, au suivi des cultures, à la mise en place sur site. » Ce type d'échanges est un atout pour améliorer les compétences des élèves et des formateurs sur les nouvelles techniques de production et de végétalisation de l'espace. « Le développement des partenariats avec les entreprises constitue un atout fort pour ancrer les jeunes apprenants dans la réalité du monde de l'entreprise et acquérir des compétences adaptées en lien avec l'évolution des métiers. C'est particulièrement nécessaire dans des secteurs du paysage et de l'horticulture qui subissent de profondes mutations depuis quelques années, avec un contexte environnemental et réglementaire complexifié et de nouvelles attentes sociétales qui vont dans le sens d'une diversification des formes végétales en ville », complète Jean-Marc Esnault, directeur général du groupe Antoine-de-Saint-Exupéry. Tous horizons confondus, le groupe a une vingtaine de conventions de partenariat à son actif, avec la volonté de privilégier autant que possible les relations avec les entreprises de la région. C'est le cas avec le Syndicat des apiculteurs de Bretagne pour l'installation de ruches sur le campus, celui conclu avec la société Breizhimex (import-export en produits maraîchers africains) pour la mise en place de protocoles de production bio de gombos, en Bretagne. Le chantier école de Jardin Unique entre dans cette veine de mises en situation des élèves dans leur contexte régional.

« Grâce aux chantiers écoles, les élèves sont vraiment plongés dans le concret avec les exigences d'un client, les délais à respecter malgré les aléas qui peuvent se produire. Ils se sentent valorisés car les structures sur lesquelles ils ont pu travailler sont installées dans des sites très fréquentés, parfois même prestigieux, comme l'hôtel Balthazar, un cinq étoiles du centre de Rennes », précise Yannick Sauvée. Pour ce chef d'entreprise, l'intérêt du partenariat réside non seulement dans l'appui technique et le prêt des serres pour la production végétale, mais également dans le fait que l'établissement représente un vivier pour trouver des stagiaires et recruter. Ainsi, Jardin Unique a embauché, l'an passé, Valentin Dupré qui a réalisé son BTS « aménagements paysagers » en apprentissage. « À la suite d'un bac pro "aménagements paysagers" au lycée Le Fresne, à Angers (49), j'ai choisi le BTS dans cette école car j'ai eu un bon contact avec le responsable de Jardin Unique. Il proposait de me prendre en alternance. J'ai apprécié le côté créatif et innovant des murs végétalisés, le fait de toucher à toutes les étapes du projet. Aujourd'hui, lorsque je reviens travailler dans les serres, je suis content de pouvoir répondre à la curiosité des élèves et de mettre en avant mon savoir-faire », explique-t-il. Si la bonne santé de l'entreprise se poursuit, Yannick Sauvée envisage de prendre prochainement un apprenti de la filière « production », ce qui lui permettrait de développer une partie multiplication sur place, en complément des jeunes plants qu'il achète aux producteurs du Grand Ouest.

Yaël Haddad